Un commentaire de Jean-Paul Barruyer :
"Alors que les catholiques du monde entier assistaient
avec émotion à l'ascension de la fumée blanche au-dessus du Vatican et
entendaient le fameux "Habemus papam !", moi, devant mon petit
écran, j'attendais avec impatience l'apparition d'une autre fumée blanche que
l'on m'avait promise avant la fin du journal télévisé. Mais, depuis la place
Saint-Pierre de Rome, les reportages en direct se multipliaient et semblaient
n'en plus finir. Mon attente devenait insupportable et le doute commençait à
m'envahir...
Soudain, après que l'identité de notre nouveau pape
François nous fût enfin révélée et avant que la grande messe cathodique à rallonge
du 20 heures ne prît fin, l'autre panache de fumée blanche tant convoité se
mit à se déployer sous mon regard ébahi, depuis une cheminée géante, juste au
dessus de la grande basilique de Saint-Nazaire. Pas celle consacrée au saint
homme, mais celle constituée de portiques de levage qui dominent ce port de
Loire-Atlantique.
Je vis alors
le monstre de métal d'un blanc immaculé s'ébranler sur les flots, auréolé de
toute sa gloire, et se révéler à moi. Il était à l'image d'un berger guidant
son troupeau et sur le point de me conduire vers des contrées paradisiaques.
Ne pouvant contenir ma joie, je lançais sans retenue à mon épouse un
"Habemus navilium !" dont elle se souviendra. Oui, celui que nous
attendions venait enfin de nous apparaître et, le coeur rasséréné, nous
savions que désormais nous pourrions partir le mois prochain avec lui pour le
grand voyage...
"Nous avons un navire !" avais-je donc crié
en latin. Après sa bénédiction par le grand prêtre, vêtu de sa chasuble
marine à rayures, qui officie pour le redressement productif, celui qui
venait de sortir du chantier de construction et portait le très révérencieux
titre papal de MSC PREZIOSA (Mon Seigneur très Catholique et Précieux),
allait partir en pèlerinage inaugural à destination de Marseille, jusqu'au
pied de la "Bonne Mère" dont il allait implorer la grâce.
Un peu fataliste, je ne pouvais désormais rien faire
d'autre que de croiser les doigts en lançant un "Fluctuat nec mergitur
!" (Il est battu par les flots, mais ne sombre jamais !) Car, en
septembre 2010, nous nous trouvions à bord du "Costa Mediterranea"
pour une croisière en Terre Sainte qui nous conduisit jusqu'à Jérusalem, sur
les pas des chevaliers des Croisades. Malheureusement, moins d'un an et demi
plus tard, un autre "Costa", le "Concordia", s'échouait
tragiquement sur une île près des côtes de Toscane. Alors, après mûre
réflexion, dois-je me réjouir ou bien m'inquiéter ?... Les pèlerinages en mer
ne seraient-ils pas en réalité de vrais sacerdoces ?... Que voulez-vous, les
voies du Seigneur sont souvent impénétrables, au point qu'il m'arrive parfois
d'en perdre mon latin !...
Jean-Paul BARRUYER
P.S. : J'espère n'avoir pas été irrévérencieux. Si toutefois j'ai pu froisser quelques sensibilités, j'en demande pardon car là n'était pas mon intention. Je suis libre penseur mais reste malgré tout très attaché à ma culture chrétienne, ce qui n'est pas incompatible. J'ai toujours séparé dans ma tête ce qui relève du culturel de ce qui relève de l'intime conviction. J'ai aussi du respect pour le pape, même si je suis loin de partager toutes ses prises de position. Il est un être de chair, comme vous et moi, et représente à mes yeux, comme un phare au milieu de la tempête, une conscience morale dans un monde qui en est de plus en plus dépourvu, hélas !... Cet exercice de style en écriture, que je me suis imposé en guise de clin d'oeil malicieux à deux actualités qui se sont télescopées, a été pour moi un véritable plaisir, même si, je dois bien l'avouer, j'ai parfois souffert... le martyre ! "